Le tabac : le rôle des professionnels de la santé dans l'abandon du tabac

DÉCLARATION CONJOINTE

 

Cette déclaration a été rédigée en collaboration par l'Association canadienne de physiothérapie, l'Association canadienne des ergothérapeutes, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, l'Association canadienne des psychologues, l'Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, l'Association dentaire canadienne, l'Association des pharmaciens du Canada et la Société canadienne des thérapeutes respiratoires et l'Association médicale canadienne.

Le tabac est le principal facteur de risque de décès et de maladies évitables au Canada. Le Canada compte presque 7 millions de fumeurs, dont quelque 45 000 meurent chaque année de maladies liées au tabagisme. Le fardeau économique imposé par le tabagisme est très lourd : on estime que les maladies liées au tabac coûtent au Canada quelque 3 milliards de dollars par année en dépenses directes de santé. Ce total n'inclut pas le coût du manque à produire, les primes d'assurance plus élevées, ni d'autres dépenses indirectes qui portent à 11 milliards de dollars par année le coût du tabagisme pour la société.
La décision de fumer émane d'une interaction complexe de facteurs qui varient d'une personne à l'autre. De même, pour réduire le tabagisme, il faut recourir à une stratégie intégrée à volets multiples qui comprend des mesures :

  • de prévention (aider à éviter aux non-fumeurs de commencer à fumer);
  • d'abandon (aider les fumeurs à cesser de fumer et éviter qu'ils recommencent);
  • de protection (protection des non-fumeurs contre la fumée ambiante et les autres effets nuisibles du tabac).

La prévention est la stratégie la plus importante des trois. Il est vital d'éviter le tabac pour mener une vie active et vivre en bonne santé. Pour les fumeurs, toutefois, cesser de fumer constitue le moyen le plus efficace qu'ils peuvent prendre pour améliorer leur qualité de vie et vivre plus longtemps. Les professionnels de la santé se trouvent dans une situation incomparable pour aider les fumeurs. C'est pourquoi cette déclaration vise avant tout l'abandon du tabac dans le cadre d'une stratégie intégrée, et en particulier le rôle des professionnels de la santé lorsqu'il s'agit d'aider les Canadiens à cesser de fumer.
La plupart des fumeurs ne sont pas heureux de leur habitude et la majorité aimerait cesser de fumer. Le taux de rechute est toutefois très élevé à cause de la nature toxicomanogène du tabac et des pressions sociales qui peuvent s'exercer sur les fumeurs. Dans la plupart des programmes d'abandon du tabac, on considère un taux d'abandon de 15 % à 20 % comme une réussite. La plupart des fumeurs qui veulent cesser de fumer s'y prennent à plusieurs reprises avant de réussir.

Les conseils sur l'abandon du tabac sont généralement reconnus comme une pratique clinique efficace. Même une brève intervention d'un professionnel de la santé augmente considérablement le taux d'abandon. Les chances d'abandon d'un fumeur augmentent lorsqu'il entend le même message d'un certain nombre de prestateurs de soins de santé de diverses disciplines. Les professionnels de la santé sont peut-être la source d'information sur la santé la plus crédible pour les Canadiens. Presque tous les Canadiens consultent un professionnel de la santé au moins une fois par année, souvent au cours de "périodes propices à l'apprentissage"1 où ils peuvent être plus motivés que d'habitude pour modifier leurs comportements contraires à la santé. Les professionnels de la santé peuvent personnaliser leurs messages et travailler directement avec les intéressés.

Les professionnels de la santé ont accès à des guides de pratique, des outils, des guides de consultation rapide et d'autres ressources qui peuvent les aider à dispenser des conseils sur le tabagisme. On a démontré qu'une pharmacothérapie augmente considérablement le taux d'abandon et donne les meilleurs résultats lorsqu'elle est conjuguée aux conseils.

Les professionnels de la santé ont toutefois des obstacles à surmonter lorsqu'ils dispensent des conseils sur l'abandon du tabac, notamment les suivants :

Doutes au sujet de l'efficacité avec laquelle ils peuvent inciter une personne à changer de comportement. Ce doute est attribuable en partie au manque d'éducation des professionnels de la santé dans ce domaine.

  • Manque de temps pour donner des conseils au cours d'une journée chargée.
  • Mécanismes de financement qui accordent une faible priorité à la prévention : par exemple, les interventions en faveur de l'abandon du tabac, de suivi ou de soutien sont peu rémunérées ou ne le sont pas du tout.
  • Contextes de soins de santé qui ne facilitent pas la prévention : par exemple, les moyens d'identifier les personnes qui présentent des facteurs de risque particuliers ou les guides de consultation rapide ne sont peut-être pas faciles d'accès.
  • Public qui ne connaît pas suffisamment les services d'abandon du tabac qu'un professionnel de la santé peut offrir.
  • Frustration causée par le taux élevé de rechute. Les fumeurs doivent souvent s'y préparer pendant longtemps avant de réussir à écraser définitivement.

PRINCIPES

Compte tenu du fardeau que le tabac inflige aux Canadiens et des données probantes sur l'efficacité des interventions cliniques anti-tabac, les associations de professionnels de la santé affirment que:

  1. Les professionnels de la santé ont un rôle de premier plan à jouer dans l'abandon du tabac et la prévention du tabagisme, ainsi que dans la protection du public contre les effets nuisibles de la fumée de tabac.
  2. Aider les fumeurs à cesser de fumer, c'est un des plus grands services qu'un prestateur de soins de santé puisse offrir.
  3. Il importe de suivre une stratégie intégrée de renonciation au tabac (p. ex., évaluation, conseil, pharmacothérapie, soutien continu, stratégies visant à éviter la rechute).
  4. Il importe de suivre une démarche multidisciplinaire anti-tabac fondée sur la collaboration.
  5. Chaque profession de la santé apporte ses connaissances et ses compétences spécialisées particulières au progrès d'une stratégie globale.
  6. Le patient-client2 est un partenaire actif du processus d'abandon du tabac.
  7. Les professionnels de la santé devraient profiter des occasions de réduire le tabagisme.
  8. Tous les prestateurs de soins de santé devraient demander à chaque patient-client s'il fume lorsque cela convient et consigner sa réponse en dossier.
  9. Les professionnels de la santé ont besoin d'éducation et d'outils en particulier pour faciliter leur rôle dans la lutte anti-tabac.
  10. Le système de santé devrait appuyer les prestateurs en leur fournissant les ressources et les incitations nécessaires pour réduire le tabagisme au Canada.
  11. Les interventions cliniques anti-tabac des professionnels de la santé devraient s'inscrire dans le contexte d'une stratégie nationale intégrée de lutte contre le tabac qui inclut aussi des mesures de prévention et de protection comme des mesures législatives, des augmentations de taxes, des restrictions de la publicité et de la promotion sur le tabac, des restrictions du tabagisme dans les endroits publics et des campagnes d'éducation du public.

     

LE RÔLE DES ASSOCIATIONS DE PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ

Dans le contexte de stratégies anti-tabac intégrées qui maximisent les chances pour les fumeurs de cesser de fumer, les associations de professionnels de la santé peuvent suivre les stratégies suivantes :

  • Éduquer leurs membres au sujet du rôle important qu'ils peuvent jouer dans la lutte anti-tabac.
  • Promouvoir l'inclusion d'une formation sur l'abandon du tabac dans les programmes d'études obligatoires de tous les professionnels de la santé et dans les programmes d'éducation continue.
  • Diffuser à leurs membres des résultats de recherche sur des stratégies efficaces d'abandon du tabac et de réduction du tabagisme.
  • Donner à leurs membres des outils qui les inciteront et les aideront dans leurs rôles de conseillers et d'orienteurs.
  • Définir nos forces individuelles et nos aspects complémentaires et collaborer pour créer une "synergie".
  • Sensibiliser davantage le public au fait que les prestateurs de soins de santé offrent appui et ressources aux fumeurs désireux d'abandonner le tabac.
  • Préconiser auprès des gouvernements le rôle des professionnels de la santé comme agents efficaces de la lutte anti-tabac.
  • Exercer sur les gouvernements et des tiers payeurs des pressions pour obtenir du financement afin d'aider les professionnels de la santé à fournir des services d'abandon du tabac.
  • Promouvoir des environnements sans fumée et encourager leurs membres à donner l'exemple en ne fumant pas.
  • Établir des partenariats avec la communauté (p. ex., écoles et lieux de travail) afin de faire passer au public des messages sur l'abandon du tabac, la prévention et la protection, et encourager leurs membres à participer à l'éducation du public.

Les Notes

  1. Les " périodes propices à l'apprentissage " peuvent inclure notamment les suivantes :
    infection respiratoire otite d'un enfant
    période de stress réadaptation après un AVC
    nettoyage périodique des dents réadaptation après un infarctus
  2. Pour reconnaître les préférences de divers groupes de professionnels de la santé en ce qui a trait à la terminologie en particulier, on utilise de façon interchangeable les mots "patient" et "client".